lundi 25 février 2008

Depart...

Alors voilà, entre deux eaux, encore en partance et cette fois-ci pour l’inconnu, le vrai ! Il aura fallu que j’en passe par « mon » pays, que je quitte la France, que je découvre le Maroc pour aller maintenant vers cet Orient qui m’a longtemps attirée et fascinée… Un peu plus au clair (disons, juste avec un ou deux éléments pour juger, alors qu’avant je naviguais vraiment à vue, avec mes impressions vagues et tous mes a priori) sur mes deux pays, je me lance enfin vers le voyage, vers la découverte et non le retour aux sources, la redécouverte ou la ré-acclimatation… déjà partie, pas encore réalisée que j’étais ici, pressée de revenir, partagée, envisageant désormais plein d’horizons nouveaux, prête à bouger…
Rechargée, plein de souvenirs en tête, comme armée, habillée de toutes mes expériences… En tout cas, ce que je retiens avant tout de mon Maroc en partant ce sont des sons, des voix, des mots, des expressions, des intonations, des musiques… Parfois j'aimerais me lancer dans l'audio, me balader en permanence avec un micro et enregistrer ce qui se passe, juste les bruits qui font ma vie en ce moment, les expressions, les paroles, les gens, les soupirs, les cris... donner à entendre tout ce qui passe par les intonations et le choix des mots... Tout ce qui relève de la spontanéité et de ce désir de s'épancher... moul taxi qui philosophe, la vieille à qui j’indique la route qui me couvre de bénédictions pendant une heure, les bssbssates, ma tante qui nous réveille suavement « ouaaaaaaaa noudou al khmirates, noudou tgue3dou !», les mendiants qui récitent le Coran, ma sœur pendue au téléphone nuit et jour (thanks to l’illimité tissalat… merci Maroc Télécom, d’avoir pu permettre à nos hommes…), ma grand-mère qui écoute la khoutba à la radio à fond (il faut en profiter le plus de monde possible, ça pourrait nous rapporter des 7assanates) (shame on me, ma grand-mère ne pense même pas comme ça… mais c’est mon blog, j’ai le droit de faire penser ce que je veux à qui je veux…), le journal de la RTM (sans commentaire !), le chaâbi de ma tante (à fond, pour de vrai, cette fois ! existerait-il une autre façon de l’écouter ?), l’adhan, moul lbayd (bayyyyyyyyyyyyyyyyd ! … bayyyyyyyyyyyyyyyd !), moul ljavel (javiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiil ! … javiiiiiiiiiiiiiiiiiiiil !), moul bessla ( bsslaaaaaaaaaaaaaaa ! … bsslaaaaaaaaaaaaaaaa !), l9issaryia (mitine ou stine, mitine ou stine, al3iyalate, al3iyalate…), le bruit des touches de mon clavier, la nuit, quand j’écris et m’épanche… et le bruit de l’avion, celui de mes larmes…

lundi 18 février 2008

(Encore) un grand bond en arrière...

Voilà, rien que la dépêche de la MAP le premier jour m’avait faite rire (c’est tout simplement atterrant ! dire de telles conneries avec autant de sérieux et terminer ainsi… une vraie agence officielle arabe, comme on croyait qu’il n’y en avait plus qu’en Libye ou en Syrie, mais apparemment non…)

Je vous fait croquer :
Maroc-Divers
Arrestation d'un individu pour avoir usurpé l'identité de SAR le Prince Moulay
Rachid sur un site Internet
Rabat, 6 Fév (MAP) - Les services de sécurité marocains ont procédé à l'arrestation, mercredi à Casablanca, pour pratiques crapuleuses d'un individu qui a usurpé l'identité de Son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid sur le site Internet www.facebook.com, a-t-on appris de source policière. Le mis en cause, nommé Fouad Mourtada, ingénieur d'Etat, âgé de 26 ans, célibataire, sera présenté à la justice, ajoute-t-on de même source.
Il est à préciser que les membres de la Famille Royale ne disposent ni de site Internet, ni de blog et que la seule façon d'avoir des informations sur les membres de la Famille Royale reste le site officiel de la MAP.(MAP)

Outre le fait que Fouad, dont le nom et la profession (quels renseignements ! exemplaire la MAP) (non, je ne ferais pas ma mauvaise langue, je ne dirais pas « pour une fois »…) outre le fait, donc, que sont rendus publics des renseignements sur Fouad, comme cela avait été fait à Ksar El Kébir, les exposant, si la justice et la police ne suffisait pas, à la vindicte populaire et aux attaques personnelles ; outre cela, on avoue enfin que l’Internet ici est fliqué, que même derrière un écran, on peut être poursuivi, que l’anonymat n’est en aucun cas une protection et que le débat, même s’il s’ouvre un peu, reste largement prudent et comme suspendu, de peur d’écorcher les (trop) nombreux tabous collectifs… Et on peut avoir toutes les raisons pour, l’Etat marocain a de bons alliés, apparemment Maroc Télécom et Facebook auraient collaboré avec la police marocaine en fournissant l'adresse IP de Fouad…
C’est cette capacité à se rétracter, à effectuer un formidable retour en arrière qui m’a toujours impressionnée ici. Comment, par exemple, on épingle Benchemsi alors que la liberté de la presse semblait en bonne voie… Comment, on se réveille un matin, en éructant sur la marocanité de Ceuta et Melilla, alors que dans les faits, tout est fait pour conforter l’Espagne… Comment on ose condamner pour homosexualité sous la pression (laquelle d’ailleurs, n’est pas bien claire…) donnant une image plus réactionnaire encore que nous ne le sommes vraiment… Comment on bloque Youtube ou Google Earth, au point de figurer parmi les pays « ennemis de l’Internet » dans tous les classements mondiaux… Bien sûr, inutile de commenter le fait que le procès de Fouad a été repoussé, nos juges en ont fait une spécialité, comme si on allait oublier… S’ils nous ont plus d’une fois à l’usure, espérons que cette fois-ci non…
Tout ça pour dire que l’arrestation de Fouad est tout simplement hallucinante et que sa torture est révoltante, d’une part parce que j’osais espérer que les années de plombs et l’électrochoc (en tout cas pour moi) des témoignages, des mots et des images, nous permettrait de ne plus avoir à subir cela (Sarah, bisounours, as usual…) et d’autre part, parce que torturer quelqu’un qui a maintenant le soutien de la communauté internationale, des bloggeurs et dont le cas est médiatisé est bien la preuve qu’une impunité nauséabonde règne encore ici et que rien dans cette histoire n’engage à être optimiste…
Par ailleurs, après lecture chez Hmida par exemple de réactions concernant la Blogoma (notamment dans les commentaires…), après le retrait de MoTIC et de kb et 7didane (même si je n’ai pas encore connaissance des raisons des retraits des deux derniers), j’ai un goût amer dans la bouche… tout d’abord, je comprends que les bloggeurs se sentent les premiers concernés mais tirer la couverture à eux en se sentant en danger, quand c’est Fouad qui l’est en ce moment, me paraît très limite, surtout quand on a lancé des appels pour plein d’autres choses… (chose louable par ailleurs) et pourquoi se retirer si docilement quand continuer serait la vraie preuve de courage (je pense aux justifications de MoTIC surtout…)
Bref, je n’ai pas encore tout compris, si quelqu’un peut m’éclairer…

C’est pour cela que Fouad a tout mon soutien, que je ne comprends même pas la raison d’être de son arrestation, encore moins de sa détention, que l’attaque que cela représente à la liberté au Maroc est inacceptable et qu’une fois de plus nous ne faisons pas mieux que beaucoup de nos voisins, ce qui est décevant quand on semblait les distancer… pas de quoi quitter le Maroc le sourire aux lèvres… dommage !

dimanche 17 février 2008

Coupé décalé

Alors que le départ approche, je me retourne et me regarde, je me vois, je me sens gesticuler, avancer, reculer, hésiter, foncer, pleurer, rire et oublier au gré de mes pérégrinations dans le « plusbeaupaysdumonde » (KBB, désolée...;o)

Je me revois découvrir les joies de vivre avec des moutons sur le sta7 et de ne parler que de ça pendant des semaines... m’en voulant, va savoir pourquoi, de ne pas être une "bonne fille", de n'en avoir strictement rien à foutre, rien de rien! De ne pas m’enchanter avec toute la famille qui se réjouit de me voir fêter mon premier 3id au bled!... Car, moi, fraîchement débarquée, sans tous ces souvenirs de gamins, ces soirées de ramadan, ces trucs qui marquent paraît-il à jamais, moi, ce que je vois ce sont des gens qui s'arrachent des moutons à des prix indécents (d'ailleurs je me demande encore comment certains ont sortis 3.000 dirhams?), les font vivre (et vivent avec eux) dans des conditions qui choquent mon hygiène de petite citadine...
Un peu plus loin, je revois Ramadan, et moi, qui tombe violemment de mon petit nuage, moi, la petite beurette à la pensée un peu magique, un peu romantique, qui croyais vivre un mois intense de jeûne et d'Islam… Je n'ai vu que des gens énervés, affamés et qui te font la morale parce que tu portes une jupe et que tu "souilles leur jeûne" (ça, il faudrait qu'on m'explique comment je peux intervenir dans son jeûne avec ma jupe, il a qu'à pas regarder le vicieux...)
Bref, une fois encore, je me vois, naviguant à vue, perdue, attirée et effrayée, curieuse et envieuse, peut-être, bien mais en même temps encore un peu en décalé avec "mon" pays…
Je revois toutes ces fois où j’ai remercié Dieu de m'avoir faite musulmane en France (putain, je croyais pas dire ça un jour!)… Je crois que sinon je serais devenue comme tous ceux que je connais, aigris, qui crachent en permanence sur l'Islam, éructant sur la liberté individuelle et je sais pas quoi... maintenant je comprends! au moins le Maroc m'aura appris ça, je veux plus appartenir ou m'identifier à 100%, je veux plus gueuler comme la gamine que j'étais "wesh, marocaine représente", alors que j'avais jamais vécu ici, maintenant je prends ce qui me plaît et j'élague beaucoup! et c'est ce qui me plaît ici, j'aime ce pays (et je peux enfin dire mon pays, même si... je suis aussi bien française) mais je sais aussi dire que c'est de la merde!
Comme toutes ces conneries que j’ai pu entendre au nom de je sais pas quelle vision de l'Islam! Je crois que ce qui me tue le plus ici, c’est cette façon qu’on a d’accepter le statut d’intouchable. On passe notre temps à en vouloir à des mythes, par peur d’en vouloir aux vrais représentants du pouvoir. C’est tellement facile de casser du Juif, de l’Américain, du Bush, du « nasrani », du « beur », mais en aucun cas on ne pourra critiquer ceux qui, ici, favorise ces politiques honnies ou maintiennent un statu quo tellement dommageable pour la majorité des Marocains. C’est comme ça que tous les problèmes du Maroc (immobilier cher, pédophilie, corruption... tout quoi!) c'est à cause de ... sysassa yehudyia! je suis restée scotchée, mais qu'est-ce que tu peux répondre, ils m’expliquent que Abu Ghraib, c'étaient les juifs, que Saddam Hussein ils ont cru l'avoir pendu mais en fait c'était pas lui! Du pur délire, pur jus marocain! Dans le train, c'est une femme, la cinquantaine, qui m'a expliqué le grand complot ourdi contre nous (via... Tom et Jerry et les pubs pour Fanta!!!) et ma tante qui m'explique que Sarko, président juif de la France impie, devrait pas venir à Marrakech car il souille "dar al islam"...
Tout s’éclaire…

Il est 4h du mat'...

Il est 4h du mat' et j'ai pas envie de me coucher, après quelques pina coladas et des kilos (des litres? des quoi?) de fumée avalées, des putains de musique de tous les coins du monde, encore envie de danser, de rencontrer des gens, de sourire, de rire, de simplement regarder...
Début de soirée à la Bodega, et puis rentrée chez moi, me suis posée devant l'ordi, commencé à répondre à mes mails et là, deux heures après, j'ai refait le monde avec un cousin aux States, presque même réussi à parler de Sahara, on a bien tapé sur Hassan II, échangé des idées de bouquins à lire, discuter du derb qui lui manque après l'avoir quasiment envoyé à l'HP, du quartier qui me rend folle et que je trouve beau maintenant que je le quitte, de la façon de porter une jupe au Maroc, j’ai refait le monde avec la Belgique (u rock, girl !), discuté de chaque parcelle de nos maroc(s), décidé d'oublier un chagrin d'amour qui n'en valait pas la peine, même si je tourne toujours pas la page, échangé des idées, été surprise par un copain de lycée qui m'a déclaré sa flamme, écouté Darga, Fnaïre, Mika et pleins d'autres, googlisé trois millions de choses, une soirée bien remplie (une soirée, une matinée, disons ;o), comme j'en rêve pour mes derniers jours ici...
Une soirée où j’ai réussi à m’engueuler avec moul taxi (je saute le pas, j’m’en fous, maintenant !), ce connard me dit tranquillement que c’est normal que je paye le prix fort, il m’a quand même amenée ici depuis cet endroit… (petits regards à la con) « khallini nskout » (sourire imbécile)… le mec se démonte pas, il te dit ça, c’est cool, dans sa tête y’a pas de mal, c’est quand même une mouskha, j’peux lui dire nan ? voilà, encore malade de mon Maroc… mais pourquoi est-ce qu’on doit toujours TOUT justifier, TOUT certifier halal, merde ! moul taxi n’a pas a jugé ma vie, je vois pas pourquoi je devrai éviter de passer devant les types qui passent la nuit à se saouler et à mater dans le café au coin du derb parce qu’ils pourraient juger que je suis pas bent l7alal… ah ouais ?
Une soirée dehors, comme beaucoup d'autres, où on s'est faufilées à la sauvette, comme des ombres dans le derb, le plus discrètement possible dans le quartier... Une soirée qui sans ma soeur qui nous ouvre la porte en cachette n'aurait pas eu lieu...

vendredi 15 février 2008

Quitte le pouvoir!

Ca fait tellement de bien, un p'ti Tiken Jah, comme ça, juste pour le plaisir... et les paroles sont pas cons non plus... à méditer!

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Mode sourire débile bloqué...

Je m’en veux d’être aussi dépendante, autant à tes pieds, pourtant je n’y peux rien, il suffit que tu évoques la possibilité de me revoir pour que ce sourire débile se colle sur mes lèvres, me donnant ce gentil air niais qui m’a suivie toute la journée… Entendre ta voix, te reparler – en faisant l’air de rien, comme si c’était normal de te dire « ça va? », « ton boulot se passe bien? » à quelqu’un qui t’ignore depuis des semaines -, envisager de se revoir, tout ça comme des « potes » j’imagine de ton côté, alors que moi, comme une petite fille, j’y crois encore, bêtement, naïvement, innocemment… pourquoi est-ce que je suis retombée là-dedans, pourquoi je tends le bâton pour me faire battre ? Alors que je quitte ma vie d’ici, voilà que je me recrée des attaches, sans réel avenir et surtout nées de mon imagination… peut-être as-tu seulement été poli? Peut-être ne m’appelleras-tu jamais plus? J’espère juste que je ne me prépare pas les mêmes déprimes que je viens d’abandonner… j’espère juste que tu ne me décevras pas… enfin, que mes rêves ne me décevront pas… tellement envie d’y re-croire, tellement envie de retomber… envie de me ré-attacher à toi, même s’il est fort probable que tu sois déjà trouvée une nouvelle copine, des nouveaux délires, de nouveaux petits noms, des petits jeux et des nouveaux souvenirs communs… tellement envie d’y croire !!! (envie de me donner des claques) ((envie de rire, comme ça, sans raison) (sourire toujours bloqué, jusqu’à nouvel ordre…) (disons plutôt, jusqu’à nouvelle déception) (mais quand même heureuse, juste comme ça!) (Sarah, GRANDIS!!!!!!!!!!) (pourquoi?) (re-sourire…)

jeudi 14 février 2008

Entièrement d'accord avec Ibn Kafka... (http://www.blog.ma/obiterdicta/ post du 2 février)

Après lecture d'Obiter Dicta (post du 2 février sur l'appel pour les libertés individuelles...)

"Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes
Parce que Messieurs quand on le laisse seul
N'est pas du tout brillant
Et sitôt qu'il est seul
Travaille arbitrairement
S'érigeant pour soi-même
Et soi-disant généreusement en l'honneur des travailleurs du bâtiment
Un auto-monument
Répétons-le messieurs
Quand on le laisse seul
Le monde mental
Ment
Monumentalement"

Jacques Prévert


Certains diront qu’Obiter Dicta crache dans la soupe, comme moi! Oui, et je l’assume ! Depuis quelques mois je me rends compte du pouvoir de la presse, notamment avec l'analphabétisme marocain... C'est dingue comme on manipule facilement (rien qu'à voir comment sont squizzés les militants Sahr**** on comprend l'enthousiasme et l'IMPARTIALITE OBJECTIVE qui règne ici...)

TelQuel prend tout simplement la grosse tête je trouve, comme beaucoup « d’intellectuels », ils ont un jour (il y a longtemps) eu une idée et prospèrent dessus maintenant et pour des années... C'est dommage de se croire à ce point au fait des réalités d'un pays qu'on ne connaîtra jamais... (Anfa peut visiter Sidi Moumem et vice-versa mais jamais le "connaître") … En croyant bouleverser le monde, cette presse bobo disons-le s'enfonce juste dans sa petite-bourgeoiserie de bon ton, révolutionnaire quand ça les arrangent et consensuels deux minutes après... Facile de taper sur un système quand on est fils de, pourquoi ne pas mettre cet avantage au service d'autres causes...
En s'érigeant en monopole de la modernité, de la laïcité, de la raison et en pourfendeur du peuple obscurantiste, ces chers bobos cachent tout simplement mal le fait qu’ils n’ont rien d’autre, aucune alternative à proposer! (je m’arrête ici, ma conception du journalisme n’est pas non plus celle d’un journaliste pédagogue, le journaliste donne à voir, il ne guide ni ne conseille pas, en tout cas pas directement, il peut donner des pistes de réflexion, pas plus, là n’est pas son rôle…)

Mais ils sont censés avoir grandi ici et connaître certaines choses, alors qu’on dirait qu'ils débarquent et ne comprennent pas tous les codes de "leur" société... Oui, il y a des gens qui portent le voile plus qu'avant, est-ce à dire qu'il y a islamisation pure et simple de la société? Oui, les Marocains, comme les autres, sont hypocrites, est-ce une raison pour faire de tous des ivrognes et des homosexuels refoulés... Oui, Nini fait de la sous-presse, est-ce à dire que TelQuel n co brillent?

Alors Obiter Dicta a le mérite d'aborder tous les sujets qui fâchent ! Car disons que ce qui me dérange, c’est que les seuls vraiment bousculés par ce bobo-journalisme ne sont quasiment jamais dangereux ou en mesure de riposter...

Maintenant il est clair que chez nous le seul fait d'exister pour un journal est déjà beau (bon, bien sur, si papa et maman sont derrière sa facilite, mais admettons...) et TelQuel a toute sa place, mais please il faudrait arrêter de se prendre pour les détenteurs de la vérité et le parangon du vrai Maroc! (sous entendu débarassé de l'Islam...)
Ce combat permanent contre l'Islam me parait un peu stérile (le telquel "quels musulmans sommes-nous?" est un monument digne de TF1) comment squizzer le débat? les questions posées sont tellement cons qu'elles n'ont rien à envier à la commission stasi (spécialiste de l'Islam) qui a autorisé le port de.... la main de Fatma, j'ai dit la 3ala9a?
en faisant croire (et surtout en avalisant ces questions très cons par un chercheur comme layadi, pas mal du tout par ailleurs mais un peu trop makhzéno-optimiste à mon gout) , en faisant croire, donc, que les jnouns, la virginité, le ramadan, le mariage exogame, la prière, le culte des saints c'est
l'Islam on brouille un peu les cartes... soyons sérieux, tel quel n'est définitivement pas une presse SERIEUSE (encore une fois ce n’est pas le mot, mais bon, tu vois, ce que je veux dire...), ce n'est définitivement pas le Monde Diplo qui a un avis à contre-courant et novateur mais sait l'étayer... Faire dans chaque numéro un article sur le porc, la chasse au porc, l'importation du porc, les Marocains, l'alcool et l'hypocrisie, les Marocains et le sexe... finit par dégoûter (j'ai trouvé sur plusieurs blogs, notamment sur le numéro consacré au coran « TelQuel est financé par l'ambassade US et le Shin Beth »… c'est con c'est primaire mais c'est ce qui traverse l'esprit de gens gavés à al jazeera and co... alors qu'une approche plus sereine et moins bidon aurait pu peut être leur ouvrir les yeux...)

Soyons précis, ce que je conteste quand je parle de "vrai" Maroc, ce n’est pas le débat stérile qui a tourné autour de Marock par exemple, non, ce que je fustige, c’est cette logique dans laquelle on s’enferme, celle qui veut que celui qu’on accuse de singer le Français, ne trouve qu'à répondre "vous êtes des talibans, des Afghans, des Iraniens »…
Car je crois que notre Maroc est en lui-même déjà libéré de pas mal de démons et de vieilles rengaines qui ralentissent encore pas mal de pays arabes ou musulmans, car plus ouvert à l'Europe, à l'Afrique, aux mélanges, aux technologies...

Ce qui m’attriste c’est de voir ces bobos jouer à se faire peur, alarmistes, multipliant les couvertures et les titres délirants souvent sans vraiment citer leurs sources (j'ai dit sensationnalisme?)…
Ce qui me fait pitié c’est de les voir se rassurer avec les chroniques de leur petit monde en vase clos, « gosses de riches, les plans boîtes, caisses et tise », "la virginité n'est plus un débat au Maroc", genre ça y est on en est tous libérés... eh bien, nan! Je vais enfoncer des portes ouvertes, mais, comme nous tous souvent, ces chers bobos ont tendance à oublier les campagnes et plus près, les quartiers pop. oui ici aussi on couche, mais les certif' de mariage ça continue! alors on peut remuer Abdallah Taia dans tous les sens en croyant que ça va libérer la parole homosexuelle au Maroc, il y a d'autres façons de procéder, de faire entrer cela dans les moeurs...
Oui, c’est un peu simple comme conception, mais apparemment ce simplisme n’effraie pas tout le monde, hier, une pub m'a tué, "la nouvelle tribune" (si je ne me trompe pas...) placarde sur les kiosques "faut-il taper sur la makhzen pour frapper les esprits?" (no comment, autant de servilité va au-delà des insultes...)

Tout ça pour dire qu'effectivement le Maroc est encore assez makhzénien pour avoir besoin de tous ces fassis et ces ouled anfa, mais que, Française, je n'ai pas connu cette période de la bourgeoisie éclairée (ou du moins, seule éduquée!), donc j'ai encore du mal... voila avec quoi nous devons composer... et tant que les bourgeois verrouillerons le système... en même temps, il n'y a pas de partis, pas de politique, pas même de véritable mouvement religieux fédérateur (en tout cas pas traduit en terme de poids dans les instances dirigeantes...) et nous sommes obligés, de fait, de remettre nos destinées entre leurs mains... c'est dur, c'est tout!

mercredi 13 février 2008

Sens inique...

Au voleur ! A l’aide ! Au scandale ! Alors que je me rapproche de mon cher taxi blanc, celui du soir, après une journée de boulot, à peine de retour sur Casa, en train de me réacclimater aux pots d’échappements, au bruit, que je zigzague entre les cireurs de chaussures, les moul détails, la vieille qui m’engueule chaque soir parce que je refuse de lui acheter son paquet de mouchoirs, comme hier, comme demain inch’Allah, on le fait toutes les deux pour la forme maintenant… que j’essaye de ne pas entendre les apostrophes plus ou moins poétiques et les sourires édentés de mes « prétendants », bref, que je marche dans ma ville… Alors, donc, que j’avance de mon pas décidé – quoique légèrement freiné par les contingences précitées… - je constate avec effroi la présence d’un intrus dans ce tableau, qui perturbe cet ensemble bien réglé… avec sa casquette et son uniforme seyant, le boulici que voilà, pas con pour un sou, a décidé que s’arrêter à l’arrêt des taxis blancs était devenu un délit pour tout taxi blanc, délit qu’il entend bien taxer au prix fort… me voilà donc remuant les doigts - dans un langage bien particulier et qui, sorti de son contexte, pourrait passablement me causer des problèmes, mais nous sommes à Casa… - me voilà donc, disais-je, agitant les mains pour rien ! Les taxis blancs passent, repassent et jamais ne s’arrêtent… voilà comment un petit fonctionnaire marocain peut emmerder beaucoup de monde pour rien ! Je m’imagine alors remontant à pied une route qui me paraît déjà interminable, livrée aux gaz d’échappement, aux avances de mes chers compatriotes alignés sagement aux terrasses des cafés qui s’alignent tout aussi sagement tout le long de ma route, comme par hasard… Perdue dans ce cauchemar alors que j’esquisse les premiers pas de cette longue épopée, lorsque je m’aperçois que pas plus loin que deux mètres après un taxi blanc s’arrête, puis un autre… en fait, je crois que j’ai compris comment ça marche : ici, au Maroc, la loi, la justice, la police, qui, c’est bien connu, est visionnaire et en avance sur son temps, ne regarde QUE vers l’avant, et mon bon policier ne sanctionne que ceux qui voudraient s’arrêter là où portent ses regards, derrière lui le déluge… eh bah, voilà, deux petits pas de plus et je l’ai mon taxi ! En fait, c’était simple…

mardi 12 février 2008

Naïma H.

H, comme héros, parce qu’à 12 ans, Naïma subvient aux besoins de toute sa famille. H, aussi comme honte, parce que c’est en servant ma famille que Naïma nourrit la sienne. H, comme 7arb, surtout, parce que Naïma est une guerrière… C’est qu’elle en a des démons à combattre et des obstacles à sauter ! D’ailleurs, elle est toujours un peu énervée, un peu excitée, de l’énergie à revendre, le verbe haut, inénnarable Naïma… Elle l’a dit elle-même, on doit l’inscrire au karaté… Naïma n’a pas vécu longtemps encore, mais elle a déjà sa liste noire, celle de ceux qu’elle veut abattre, à tort parfois, à raison, souvent… 12 ans et déjà tellement de blessures, tellement de hontes, tellement d’horreurs… Mais Naïma ravale, encore et toujours, elle encaisse et ne redevient l’enfant qu’elle aurait dû rester que quelques heures chaque jour. Elle retrouve son sourire devant les films mexicains dont elle ne comprend pas un mot, elle hurle, se déchaîne, vibre devant le foot pour lequel elle vient de se découvrir une passion (joignons l’utile à l’agréable, grâce à la CAN Naïma a fait ses premiers pas en géographie…)

Naïma s’est trouvée une amie, une fenêtre, un monde… grâce à Al Oula et Melody Aflam, maintenant quand j’ouvre le journal elle suit avec moi et me fait la légende de toutes les photos… Celui-là je le connais, c’est notre entraîneur, mais on vient de le dégager ! et quand j’ouvre Libé, elle le repère tout de suite « le petit, là, j’le connais, c’est un raïss qui est venu ici y’a un moment, j’m’en rappelle… »

Naïma est Marocaine, même si elle se fout royalement des grands chantiers nationaux et de la Nation en général, depuis qu’elle a découvert en arrivant chez nous à Casa que le Maroc ne se résumait pas à Doukkala… Elle est Musulmane aussi, quand elle y pense… Elle a d’ailleurs été triste quand elle a découvert hier que le Prophète était mort alors qu’elle a l’habitude de fêter son anniversaire en famille (milad… miloud… ah bon ? c’est pas la même chose ?)

Naïma est une battante, elle bataille, elle en bave dans sa vie, demain c’est décidé, je l’accompagne dans son nouveau combat, ça s’appelle « mou7arabat al oummiya »… mais ça, c’est une autre histoire…

jeudi 7 février 2008

Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience (René Char)


« Si l’ensemble de ces réformes est mis en œuvre, a promis M. Attali, le taux de croissance pourrait être supérieur d’au moins un point à l’année 2008, le taux de chômage pourrait être ramené à 5%, deux millions d’emplois pourraient être créés, le chômage des jeunes pourrait être divisé par trois, le nombre de Français sous le seuil de pauvreté pourrait être amené à trois millions, nous avons calculé que l’espérance de vie entre les plus favorisés et les plus défavorisés pourrait être réduite d’un an [sic], que plus de dix mille entreprises pourraient être créées dans les banlieues, que la dette publique serait réduite à 55% et que la fréquentation touristique pourrait dépasser les 90 millions. » En somme, le bonheur. Voila l’utopie qu’on nous propose, voila pourquoi nous devrions, comme un seul homme, nous mobiliser, accepter les sacrifices, le faire avec bonheur et élan… voilà ce que nos dirigeants ont à nous proposer, voilà les lendemains qui chantent, voila ce que nous souhaitons pour notre futur, pour nos enfants…


Comment s’étonner de la désertion des citoyens, comment s’étonner que plus personne ne s’investit, n’investit, dans la politique, comment s’étonner que l’économie, le business, la finance attire autant, ce sont d’autres échelles, d’autres dimensions qui s’ouvrent à toi, des milliards, des millions, convertibles en d’autres millions… c’est avec des espèces sonnantes et trébuchantes que tu vas te payer ton entrée dans le monde, c’est avec ces mêmes sésames que tu vas pouvoir te montrer, briller, exister, t’entourer, te meubler, te faire plaisir, te payer du bon temps, évoluer, rencontrer, découvrir, bouger… C’est avec cet argent que tu vas pouvoir transformer ton existence en réalités concrètes, que tu vas justifier tes heures passées au boulot… quelle meilleure preuve de ta réussite professionnelle que cette magnifique cuisine équipée brillante ? Qui peut ignorer ton succès avec le petit bijou qui te sert de voiture ? Qui oserait remettre en cause ton assise et ta classe dans ce sublime costume, payé les yeux de la tête, mais que tu vaux bien ? Qui pourrait douter de ton poste haut placé dès lors que tu sors ton stylo, si cher et si stylé ? Convertis en cafetières high-tech, voyages et autres iPod nano, la réussite est bien tangible, bien visible et on peut la mesurer, la quantifier, la rétribuer, la payer pour créer, encore, de nouvelles issues, de nouvelles façons de la dépenser…


Mais n’est-ce pas un peu faible ? N’est-ce pas un peu mesquin d’avoir pour objectif pour des millions de personnes, d’individus, de destinées, d’êtres en devenir, n’est-ce pas un peu mesquin d’avoir pour seul vœu de leur apporter UN point de croissance, une BAISSE du chômage, quand celui-ci devrait être réellement combattu et quand cette autre pourrait être abordée différemment ? N’est-ce pas un peu méprisant de n’avoir à leur proposer que du matériel et du court terme ? N’est-ce pas nous prendre pour des cons que de nous faire croire que nous ne serions intéressés que par l’éphémère, le palpable, le matériel ? Serait-ce faire preuve de faiblesse que de reconnaître que l’Homme ne se nourrit pas qu’avec des oméga 3 et des produits bio payés à prix d’or grâce à des salaires, dont la hausse est promise pour bientôt ? Serait-ce un tort que de reconnaître que là n’est pas le but de la politique ? Serait-il un héros ou un imbécile celui qui nous proposerait autre chose que ces réalités prosaïques ?


Pour ma part, permettez-moi de jeter les points de croissance, la fréquentation touristique, les SEULEMENT trois millions de pauvres, la REDUCTION de l’écart d’espérance de vie en vrac pour mieux m’enivrer… Permettez-moi de pencher pour un homme qui me propose le bonheur, permettez-moi de laisser le cœur l’emporter sur la raison et laissez-moi m’enflammer pour quelqu’un qui, au lieu de proposer à chacun de gagner plus, appelle à « amputer tous les budgets de la recherche spatiale d’un centième, pour les consacrer à des recherches dans le domaine de la santé et visant à la reconstitution de l’environnement humain perturbé par tous ces feux d’artifices nuisibles à l’écosystème. »
Permettez-moi, avec lui, de « souffrir au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves, afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur ».
Laissez-nous nous « exclamer au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celles des plus nantis ».
Laissez-le « parler au nom des mères de nos pays démunis qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe pour les sauver des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner – non, plutôt à nous donner à nous autres du Sahel – le vertige. Je parle aussi au nom de l’enfant. L’enfant du pauvre qui a faim et qui louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une épaisse vitre. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier placé là par le père d’un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir par ce que présentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système ».

Lui, c’est Thomas Sankara, et ce que j’en retiens c’est que « l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir »…


A tous ceux qui, à la lecture de ce post, me trouverait angélique, romantique, carrément hors-sujet, utopiste et inutile, je n’ai effectivement rien à répondre, pas d’argument bien construit qui pourrait prouver par a+b, comme on pourrait le faire du contraire sûrement, que j’ai raison, mais c’est cet homme et ses discours qui me font vibrer en ce moment et qui ont porté tant de gens et tant de progrès qu’on ne peut le négliger…

samedi 2 février 2008

L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn


Le Kenya se déchire, la Palestine se meurt, le Liban replonge dans ses vieux démons, faisant ressurgir les guerres fratricides, l’Algérie renoue chaque jour un peu plus avec les attentats et le cycle de la violence. Le Rwanda n’a servi à rien, l’Afghanistan est déjà retombé dans le plus grand des oublis. « La mort d’un homme est une tragédie, la mort de milliers d’hommes, une statistique », disait Staline. La Palestine est devenue une grande statistique, l’Irak est carrément une base de données… comme plein d’autres que j’oublie ici…

Quelles raisons, quels motifs peuvent justifier cette haine ? Ethnies, religions, géopolitique… voilà ce qu’on avance. L’humain ne se résumerait donc qu’à ses cases où on l’enferme, où il s’enferme, où il est facile de se définir, de se retrouver, de faire corps, de se regrouper, d’exister… on est alors chi’ite, kikuyu, antisioniste, maronite, juif, anti-luo, arabe… mais déjà plus humain !

Comment peut-on en arriver à ce point dans la barbarie ? Quel est ce moment où l’on bascule, comment un homme tombe dans cette animalité, comment en vouloir à un autre homme comme cela ? Non, ça je peux comprendre, je crois qu’on connaît tous ce sentiment, cette haine qui te submerge, cette colère contenue quand tu te dis que tu pourrais tuer, là, maintenant, parce que c’est un connard, parce qu’il t’a fait du mal, parce qu’on te l’a dit à l’école, à la maison, parce que tout le monde ne peut pas se tromper, parce que c’est connu, « ils » sont comme ça, parce que c’est lui le méchant et que ce serait justice… Non, ce n’est pas cela qui m’interpelle, ce qui me choque, c’est ce moment, ce déclic où tu passes outre ton statut d’humain, où tu redeviens bête, féroce, aveugle, ce moment où tu crois devenir dieu, jouant avec la vie d’un autre, t’en emparant avec le plus de souffrances possibles, avec l’envie de vengeance, celle de le voir souffrir, de voir son sang couler, de l’affamer, de le brûler, de le mutiler… Ce moment, où ta haine prend le dessus, où tu agis réellement, allant même plus loin que dans tes pires fantasmes.

Même sans tout l’attirail et les litres d’hémoglobine, comment en arrive-t-on à en vouloir tellement à un peuple qu’on peut le tuer à petit feu, lui coupant les vivres, les énergies primaires, l’empêchant d’étudier, de travailler, de vivre, de s’épanouir, de profiter d’une vie sans se soucier du lendemain, de l’heure qui suit, de l’électricité qui ne revient pas, de l’eau qui s’épuise, du temps qu’on passera au check-point, de savoir si on arrivera sain et sauf à la maison, si sa famille le pourra aussi, si on se reverra…

Pourquoi et comment certains en arrivent à croire que la violence est la solution, comment a-t-on pu les laisser en arriver là, comment la société n’est pas assez forte pour endiguer cette violence, la canaliser, intégrer ses acteurs, les accueillir assez bien et durablement pour qu’ils ne ressentent pas cette nécessité de tout casser, de se repaître du sang du voisin… C’est ça le pire, peut-être, c’est de rester ainsi les bras croisés… Comment ne pas intervenir, ne pas tenter de raisonner ces fous, ivres de leur violence, de leur sang versé, de leurs exploits minables et de leur déchéance phénoménale, comment ne pas s’interposer, ne pas se sacrifier ?

Comment peut-on vivre avec « ça » ? Comment peut-on vivre ç côté de ça ? Comment peut-on se regarder dans une glace quand on sait que cela arrive ? Comment oublier ce qu’on a fait ? Comment oublier que l’on n’a rien fait ? Comment oublier qu’on a tenu une machette, appuyé sur une gâchette ou frappé à mort ? Comment peut-on oublier le regard de sa victime ? Ou comment peut-on se pardonner d’avoir détourner les yeux, fermer ses oreilles et laisser faire ? Comment peut-on vivre après cela ? Comment réussit-on à se justifier à soi-même ce qu’on a fait, comment vit-on avec cette culpabilité ? Comment peut-on se laisser embrigader, se laisser porter par cette violence et cette haine ? Pourquoi, justement, la haine et la violence sont-elles si fédératrices ? Pourquoi est-ce pour le mal qu’on se mobilise le plus, qu’on se retrouve et qu’on partage ? Comment peut-on tomber si bas ?