samedi 2 février 2008

L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn


Le Kenya se déchire, la Palestine se meurt, le Liban replonge dans ses vieux démons, faisant ressurgir les guerres fratricides, l’Algérie renoue chaque jour un peu plus avec les attentats et le cycle de la violence. Le Rwanda n’a servi à rien, l’Afghanistan est déjà retombé dans le plus grand des oublis. « La mort d’un homme est une tragédie, la mort de milliers d’hommes, une statistique », disait Staline. La Palestine est devenue une grande statistique, l’Irak est carrément une base de données… comme plein d’autres que j’oublie ici…

Quelles raisons, quels motifs peuvent justifier cette haine ? Ethnies, religions, géopolitique… voilà ce qu’on avance. L’humain ne se résumerait donc qu’à ses cases où on l’enferme, où il s’enferme, où il est facile de se définir, de se retrouver, de faire corps, de se regrouper, d’exister… on est alors chi’ite, kikuyu, antisioniste, maronite, juif, anti-luo, arabe… mais déjà plus humain !

Comment peut-on en arriver à ce point dans la barbarie ? Quel est ce moment où l’on bascule, comment un homme tombe dans cette animalité, comment en vouloir à un autre homme comme cela ? Non, ça je peux comprendre, je crois qu’on connaît tous ce sentiment, cette haine qui te submerge, cette colère contenue quand tu te dis que tu pourrais tuer, là, maintenant, parce que c’est un connard, parce qu’il t’a fait du mal, parce qu’on te l’a dit à l’école, à la maison, parce que tout le monde ne peut pas se tromper, parce que c’est connu, « ils » sont comme ça, parce que c’est lui le méchant et que ce serait justice… Non, ce n’est pas cela qui m’interpelle, ce qui me choque, c’est ce moment, ce déclic où tu passes outre ton statut d’humain, où tu redeviens bête, féroce, aveugle, ce moment où tu crois devenir dieu, jouant avec la vie d’un autre, t’en emparant avec le plus de souffrances possibles, avec l’envie de vengeance, celle de le voir souffrir, de voir son sang couler, de l’affamer, de le brûler, de le mutiler… Ce moment, où ta haine prend le dessus, où tu agis réellement, allant même plus loin que dans tes pires fantasmes.

Même sans tout l’attirail et les litres d’hémoglobine, comment en arrive-t-on à en vouloir tellement à un peuple qu’on peut le tuer à petit feu, lui coupant les vivres, les énergies primaires, l’empêchant d’étudier, de travailler, de vivre, de s’épanouir, de profiter d’une vie sans se soucier du lendemain, de l’heure qui suit, de l’électricité qui ne revient pas, de l’eau qui s’épuise, du temps qu’on passera au check-point, de savoir si on arrivera sain et sauf à la maison, si sa famille le pourra aussi, si on se reverra…

Pourquoi et comment certains en arrivent à croire que la violence est la solution, comment a-t-on pu les laisser en arriver là, comment la société n’est pas assez forte pour endiguer cette violence, la canaliser, intégrer ses acteurs, les accueillir assez bien et durablement pour qu’ils ne ressentent pas cette nécessité de tout casser, de se repaître du sang du voisin… C’est ça le pire, peut-être, c’est de rester ainsi les bras croisés… Comment ne pas intervenir, ne pas tenter de raisonner ces fous, ivres de leur violence, de leur sang versé, de leurs exploits minables et de leur déchéance phénoménale, comment ne pas s’interposer, ne pas se sacrifier ?

Comment peut-on vivre avec « ça » ? Comment peut-on vivre ç côté de ça ? Comment peut-on se regarder dans une glace quand on sait que cela arrive ? Comment oublier ce qu’on a fait ? Comment oublier que l’on n’a rien fait ? Comment oublier qu’on a tenu une machette, appuyé sur une gâchette ou frappé à mort ? Comment peut-on oublier le regard de sa victime ? Ou comment peut-on se pardonner d’avoir détourner les yeux, fermer ses oreilles et laisser faire ? Comment peut-on vivre après cela ? Comment réussit-on à se justifier à soi-même ce qu’on a fait, comment vit-on avec cette culpabilité ? Comment peut-on se laisser embrigader, se laisser porter par cette violence et cette haine ? Pourquoi, justement, la haine et la violence sont-elles si fédératrices ? Pourquoi est-ce pour le mal qu’on se mobilise le plus, qu’on se retrouve et qu’on partage ? Comment peut-on tomber si bas ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

l'humain est tellement con qu'il n'apprend pas des erreurs du passé. et quand il n'y'a pas de vraie guerre, il ira s'en inventer une pour se foutre en l'air tout seul comme un grand. voilà ma conclusion, triste constat, certes simpliste, mais pas tout à fait faux. on est juste cons, et la bêtise humaine n'a pas de limites.

sarah ben a dit…

Merci miss, de partager ce constat, moi aussi je le trouvais simpliste, mais en fait, il ne l'est surement pas tant que ça! juste un peu de bon sens permettrait d'y voir clair, mais apparemment...
toujours heureuse de te voir ici...

sarah

Anonyme a dit…

Je commençais à m'inquiéter depuis ton dernier post! Je me dis : elle ne va pas quand même arrêter? Non!

Puis je lis ce papier...

Un coup de gueule est toujours salutaire ..surtout quand il est destiné à secoué la conscience des hommes!

sarah ben a dit…

Hmida: merci de continuer à fréquenter ce modeste blog...
rythme effrené, pas trop de temps en ce moment, juste celui d'avoir des coups de sang en paquet, pas encore tous retranscrits...
me voila (un peu) en vacances... de quoi me laisser un peu de temps pour citronner la Blogoma ;o)