mercredi 9 janvier 2008

Bled Number One, de Rabah Ameur-Zaimeche

Rabah Ameure-Zaïmeche filme son pays avec amour, avec dégoût, il nous transmet toutes les nuances de « sa » société. La société de ceux à qui on le renvoie sans cesse. Ici, c’est au sens propre du terme qu’il a été renvoyé. Double peine, retour en Algérie. Algérie où il n’a jamais vécu et dont il ne connaît pas même les rites. Moment insolite que celui où le jeune « Kamel la France » écoute respectueusement l’adhan qu’il entend « pour la première fois depuis longtemps » tandis que ses cousins continuent à fumer en titillant un chien - « Jack », étrangement prononcé « Jacques ».
Le regard porté sur la société algérienne atteint son paroxysme lorsque le réalisateur choisit avec justesse de filmer un hôpital psychiatrique, reflet et miroir à peine grossissant de cette société schizophrène et surtout de ses femmes. On ne peut que les croire lorsqu’elles affirment que « les fous sont dehors » et que ce sont « leurs hommes » qui les ont brisées. Mais l’hôpital psychiatrique n’est pas exclusivement féminin, hommes et femmes s’y rencontrent à l’inverse de l’univers cloisonné de l’extérieur – aussi paradoxal que cela puisse paraître… Chacun s’y débat dans cet extérieur, selon la place qui lui est assignée – conditionnée par son rang social mais aussi et surtout par son sexe. L’Etat – longtemps le jouet des grandes puissances – a en effet élevé au rang d’art et d’activité principale –qu’il a transmise à son peuple – la fâcheuse habitude d’en rajouter dans ce sens. Nul n’est libre dans la société arabe, surveillé par l’Etat, surveillé par les siens… Non seulement le gouvernement et l’Etat se jouent des individus, mais ceux-ci se chargent en plus de s’occuper du sort de leurs congénères et de leurs voisins. Des voisins, pas des voisines ; car un voisin qui bat sa sœur qui hurle et dérange le quartier n’est pas pointé du doigt quant une femme qui passe en fumant est la risée de tous.
La société arabe qui fait pleurer « Kamel la France » et qui le fait fuir est celle de tout le monde arabe, celle de peuples soumis, frappés d’un syndrome de Stockholm poussé à l’extrême qui pousse la victime à se faire bourreau. Une mentalité qui s’entretient et se perpétue dans l’atrophie de la liberté dans les structures mentales… Une mentalité qui est celle d’Etats jamais décolonisés qui transmettent aux sociétés des comportements et des réflexes plus instinctifs que réfléchis et dictés par la logique ; et qui, le jour où ils s’expriment enfin ; sont brimés faute d’être conformes aux attentes des gouvernants. « Bled number one » reste le miroir d’une société où l’on se baigne entre deux pétroliers échoués et où les hommes boivent dans le secret des maisons avant d’aller « chahader » en bonne compagnie…

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