vendredi 4 janvier 2008

Je suis...

Je suis Z., Albanaise du Kosovo, sans pays, sans papiers,
Et E., l’Afghan, qui partage comme moi ses racines entre ici et là-bas,
Je suis aussi M., de Jérusalem, avec des papiers qui ne correspondent à aucune de ses identités,
Je suis M., chrétien, Arabe et Israélien,
Et M., métissée, mi-ch’ti, mi-marocaine,
Et S. et G., « café au lait »,
Ph., un mois et déjà retourné dans les limbes,
Je suis Z., 14 ans et déjà plein de sagesse,
Et N., la trentaine, qui mène une vie de vieille,
M., qui m’approvisionne en musique à chacun de ses retours, s’habille exclusivement en rouge-jaune-vert et ne garde comme lien avec le Sénégal que des lettres de moins en moins régulières et des chimères, auxquelles ont fait toutes semblant de croire l’année, en attendant l’été prochain…
Je suis L. dont le beau-père me demande quel est mon « pedigree », avec quoi je suis « croisée »,
Et J., qui ne connaît Israël qu’en vacances et s’enflamme en débattant avec moi,
Autant que G., qui lâche avec modestie qu’elle est une « refuznik »,
Je suis M., basanée, qui m’explique pourquoi son père a raison de voter Le Pen,
Et M., Française qui a héritée par hasard d’un prénom musulman et qui s’en rapproche,
Je suis N., qu’on insulte quand elle se ballade avec son long voile noir,
Je suis O., à qui son père ne parle plus parce qu’elle n’est pas avec un Algérien comme elle,
Et M. qui préfère ne plus parler à son père, pas assez blanc pour sa belle-famille,
Et M., au cerveau désintégré à force de s’assimiler, qui change son prénom pour draguer dans sa grande école,
Je suis encore L. qui attend de moi que je lui dise que j’adore le Maroc, mais qui ne rêve que de le quitter,
Je suis F., qui vit avec sa famille dans l’attente d’une carte de séjour sans cesse refusée,
Je suis H., Kabyle, Algérienne et Française, qui manifeste pour les sans-papiers,
Et H., installé en France depuis 40 ans et qui considère la double peine comme un bienfait,
Je suis C., mi-basque, mi-bretonne, qui a trouvé l’amour et la paix au Burkina Faso,
Je suis M-L. et N., mon nord et mon sud, la croix qui me sert de repère et la 9ibla vers laquelle je m’oriente.

Alors pourquoi tu viens me fais chier en me demandant si je préfère le Maroc ou la France ?

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton idée m'a inspiré. Modestes propositions.
>
> Je m'appelle G.K, je diabolise les banlieues et je parade en grand Mamamouchi
dans les orgies bédouines.
>
> Enfant d'Icare, mon nom est S.Z. Les ailes du courage m'ont amené loin de
mes contrées montagneuses vers des rencontres sur des terres partagés.
>
> Je suis A.B, rentré en philosophie comme on rentre en religion. A coups de
débats et de traduction, je casse les monolithes (!) et je crache sur les
gardiens de la morale.
>
> Silhouette à peine voûtée et masque de jovialité porté comme un bouclier,
F.A, est une rescapée de l'enfer irakien ; avec l'énergie des damnés elle
plaide la cause des innocents en France.

Anonyme a dit…

Signé Sarah Z.

Anonyme a dit…

Ca me rappelle une étudiante du DEAC qui croit - à tort- que j'ai du mal à composer avec ma double identité. Et elle se fait un point d'honneur de m'aider à intégrer cette composante identitaire un peu particulière...haha.
J'ai pris mes distances d'avec cette personne parce que je crois que, sous ses airs infiniment tolérants, cette personne est complètement enlisée dans ses préjugés: cette "identité", elle est là, elle est loiiiiin d'être déterminante ( je maîtrise mieux le dialecte égyptien que l'algérien que je ne comprends pas, le ch'ti (!) m'est plus familier que le dialecte algérien etc.).

Anonyme a dit…

BRAVO pour ce blog si jeune (récent) et si dense. Je suis celle qui "possédait" une double culture en france, je suis celle qui rentrée au maroc... recherche son identité...

sarah ben a dit…

Merci pour tes jolis mots, soy, tu es toujours la bienvenue...