vendredi 11 janvier 2008

L'Os de Fer (suite)

« Nous sommes une génération qui n'a pas de Français à sortir du pays,
pas de guerre à mener,
pas de route de l'unité à construire,
ni une Marche Verte à accomplir...
On n'est même pas Amazigh pour monter au front.
La Palestine est loin, l'Irak est perdu…
On n'a pas non plus fait d'études pour faire des sit-in devant le Parlement
et puis la fonction publique c'est de la merde !
Alors on traverse la vie comme d'autres traversent la Méditerranée sur des portes en bois : clandestinement !»
Mikhi, héros du film « Aâdem al hdid » [l’os de fer] de Hicham Lasri


Véritable manifeste d’une génération, enfin mis en image, avec beauté, cruauté, lenteur, sans respect de la chronologie ni des figures imposées, l’Os de Fer est une déclaration d’amour (en tout cas, pour moi, le réalisateur, je ne sais pas… pas eu le temps malheureusement car il aurait mériter que je bosse dessus… quand je reviendrai…) à ces jeunes, à ces gens et surtout au Maroc qu’ils ébranlent et commencent à remettre en marche… tout cela porté par une bande originale géniale, évocatrice et criante de vérité, des acteurs inspirés, un récit fécond, lucide et qui nous pousse tellement à nous interroger… et une mise en scène novatrice
Le Maroc de l’Os de Fer, à l’image de son bus qui ne tient qu’à un fil et finit par se casser la gueule, vacille, se redresse, recèle en son sein des personnalités uniques, fortes, faibles, invisibles, silencieuses, des jeunes qui hurlent, se démènent, protègent leurs parents, s’en émancipent, fument, pleurent, rient et foncent droit dans le mur, avec dignité, sérénité, colère, honte, espoir, têtus, impatients d’être enfin reconnus, avec l’envie de se fondre dans la masse et celle de s’en extirper, de s’inventer un nouveau pays, de quitter tout ça, ce qui, en fait, est nous-mêmes, qu’on ne peut renier ou abandonner…
L’une s’invente un drapeau avant d’en voir le pays, comme ici les symboles sont mobilisés pour des projets fantômes et des chiffres inatteignables, l’autre communique via son seul téléphone portable et se réfugie dans les études, admiré mais surtout pas suivi dans ce chemin…
Pris au piège, entraînés dans une violence qu’ils n’ont pas voulu, mais parfois tellement salutaire, Mikhi et ses compères s’enferrent dans une lutte dont ils ne savent plus, ni comment elle va se finir, ni pourquoi même ils s’y sont engagés…
En face, un flic pourri, qui pourrait facilement être un cliché s’il n’était pas si conscient de sa pourriture et de celle, encore plus grande, de ses supérieurs… un flic pourri qui lutte jusqu’à la mort contre des jeunes qu’il pourrait ne pas haïr si… mais c’est là tout le problème…
Pas le temps, pas l’envie de les comprendre, pas le temps ni l’envie d’être compris, disséqué, analysé et tout ça à travers des grilles de lecture bien personnelles qui se ressemblent plus qu’on ne le croit, mais qu’on préfère croire diamétralement opposées pour conserver les rapports de force, le fossé et ne pas se mêler, ne pas avoir à prendre en considération l’Autre, ses interrogations, ses demandes…
« ghir khoudouni, ghir khoudouni », lancinant leitmotiv, comme un appel, une envie, une supplication… pourquoi être toujours laissé sur le quai, pourquoi n’est-il pas possible aussi de monter dans le bus, même sans ticket, même sans la tête pour, ni les idées, ni l’habit ou même l’envie ?

3 commentaires:

Intishar a dit…

Arrête de nous faire saliver, tu l'as déjà vu..où ça, koman ça se fait..je te hais, je te hais..:)
Intishar en keuf pourrie..:))

sarah ben a dit…

Je l'ai vu lors de Casa Ciné, en avant-première... héhéhé tu vois, c'est ça la grande classe!!!
(bon, ok, j'avoue, c'était ouvert au public, mais j'ai quand même gardé mon badge... juste pour me la raconter... ;o)
bon week end ma belle

Anonyme a dit…

bonjour,
je suis Hicham Lasri, l'auteur-réalisateur de L'os de Fer pour
moi aussi l'Os de fer est une histoire d'amour. je suis assez content que le film évoque pour toi les choses que j'ai cherché à y mettre.
j'ai malheureusement été absent de la projection de CasaCiné en raison d'une résidence d'écriture de mon prochain film en France.
ce film est sorti de mes tripes et je pense qu'on vas tout faire pour le sortir dans les alles au Maroc pour embras(s)er les gens à qui c'est destiné.
pas de couille, pas de gloire. sans chercher à être grossier.
il y a aussi quelques extraits sur YOU TUBE des certains de mes traveaux sous le nom Hicham Lasri.

ash.lasri@yahoo.com