jeudi 10 janvier 2008

Identité(s) 1

L'article 12 du projet de loi crée une carte portant la mention « compétences et talents », d'une durée de validité de trois ans renouvelable, dont la vocation est de faciliter les conditions d'admission au séjour des étrangers susceptibles de participer de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif, de la France ou de leur pays d'origine. Aussi, les étudiants étrangers feront-ils l'objet d'une sélection multicritères (filière, nationalité, niveau d'étude, projet de formation…).

Avec l’immigration choisie, il faut la mériter, sa nationalité ! Mais plus encore, il faut avoir la chance de faire partie de ces zones géographiques « agréées », acceptées et considérées comme saines. Il faut de plus pratiquer un métier dont la France a besoin. Il faut rentrer dans le cadre qu’elle propose, sinon pas d’espoir, pas de débouchés, pas de place en France, qui n’a pas l’argent, pas le temps, pas la place pour accueillir, pour recueillir… Et là je me souviens d’une discussion que nous avions eue avec Ariane Mnouchkine, à l’issue de sa pièce « Le Dernier Caravansérail », odyssée multiple, au cours de laquelle de nombreuses familles poussées à l’exil se heurtent aux murs érigés autour de notre belle Europe. La violence du déracinement, de l’émigration, de la clandestinité, la douleur, la difficulté, qu’elle met en scène sont comme jetées à la figure de l’Europe bien – pensante, du public, de nous tous, de vous, de moi, habituellement indifférents face à cette réalité lointaine. Lointaine ? Pas tant que celà… Les incendies des hôtels à Paris, les citoyens en garde à vue pour avoir protesté contre des expulsions violentes, les drames familiaux, la fin de la trêve hivernale des expulsions, les attaques de foyers SONACOTRA de retraités immigrés… Mnouchkine, après avoir passé un an dans le camp de la Croix Rouge de Sangatte nous décrit les conditions de vie des immigrants et leurs difficultés et c’est cela même qu’elle dénonce dans son Caravansérail. Quand l’art se fait conseil du politique, la cohérence et l’humilité devraient conduire le Prince à des décisions plus humaines… Comment pouvons-nous nous leurrer à ce point ? Et pour combien de temps encore ? Que cherche-t-on à nous faire croire et comprendre?
Par ailleurs, les nouvelles lois sur l’immigration entérinent des mesures dans l’air du temps : on assiste, comme partout en Europe, à une multiplication des tests de culture et langue, à l’encensement d’un idéal républicain auquel il faudrait adhérer. Des cérémonies sont mises en place pour l’accession à la citoyenneté française. On avance que ces " cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française" aideront à faire entrer dans les esprits l’idée de cohésion nationale et renforceront les liens entre le nouvel entrant et la France qui l’accueille.
Mais qui peut définir l’identité ? La citoyenneté vient à la fois de l’appropriation d’une identité et de l’acception de celle-ci par le groupe. Or, en reconnaissant au droit du sol une valeur au même titre que le droit du sang, la France a fait le choix de reconnaître à nombre de ses citoyens leur double, voire multiple, appartenance. La France a fait le choix de se faire un patchwork d’individus, eux-mêmes semblables à des mosaïques.
On crée donc son identité, on obtient sa nationalité, mais l’on crée sa citoyenneté sur la base de sa propre synthèse, issue des différentes identités qui nous composent. En se référant à des cultures diverses, des repères différents on élargit le champ de définition de son moi.

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