jeudi 10 janvier 2008

Identité(s) 2

Ce que l'on te reproche, cultive-le, c'est toi!
Jean Anouilh


Je fais partie des chanceux qui connaissent une double identité, une double culture, deux langues, deux religions voire deux éducations… Ayant toujours grandi en France, je ne connais le Maroc qu’en période estivale entre une journée à la plage et un sermon à la mosquée retransmis le vendredi midi sur la chaîne nationale ; entre couscous avec la famille et McDo avec les cousins, je suis une privilégiée qui côtoie des mondes à première vue opposés mais qui se complètent et se fondent en une synthèse, en une laborieuse création que nous essayons d’améliorer chaque jour. Appréciant ma culture et mon éducation françaises, française de nationalité, mais aussi marocaine, je ne peux tolérer les propos de certains politiques. Comment voudrait-on que je n’aime pas la France, et, si tel était le cas, comment pourrais-je la quitter ? Nous sommes nombreux à ne posséder que des papiers d’identité français, nous avons obtenu des baccalauréats français, le français est la seule langue que nous maîtrisons réellement et nos modes de pensée ou d’analyse sont purement français, à notre grand bonheur ou à notre grand malheur - qui le sait ? - nous sommes et nous resterons inexorablement Français.
« Enfants de la République », comme nous l’a rappelé le bon Chirac, les enfants issus de l’immigration sont et restent donc des identités remarquables, qui multiplient les références culturelles et les additionnent pour créer un résultat, comme une synthèse qu’ils s’inventent. Il serait bon de ne pas chercher à les soustraire de peur de fractionner la société.
Mais quel lien pourrait nous relier tous dans cet ensemble que nous tentons chaque jour de maintenir et de reformer. « L’appartenance nationale? Tant qu’elle a juste un lien abstrait avec des fêtes dont on oublie les dates, elle ne compte pas. Le sentiment de citoyenneté? Tant que c’est juste un luxe que se permettent les nantis ou une poignée d’incorruptibles, il ne faut pas y compter. »
En effet, on assiste à un double refus de cette identité, voire de cette citoyenneté française. On assiste à un refus de la citoyenneté française pour encenser une citoyenneté du pays d’origine, fantasmée. D’une part, nombre de jeunes issus de l’immigration affirment ne pas se sentir Français, cependant, peu envisagent de façon sérieuse un retour – qui serait plutôt un aller – vers le pays de leurs parents ; et ni plus tout à fait celui des parents et pas non plus celui des enfants ! Situation fragile et précaire, s’il en est, puisque la moindre déstabilisation peut être dévastatrice. Cette « nouvelle territorialité affective » (Omar Samaoli), permet au-delà de la citoyenneté, de la nationalité, de créer une identité, issue de mélanges, de concessions et d’une part d’imaginaire… En effet, si les parents vivaient dans le mythe du retour, les enfants ont vite dépassé ce stade. Au début, faute de retour possible, ils font le choix de s’assimiler ; mais, peu à peu, face à la persistance des discriminations et du racisme, on assiste à une logique qui veut qu’on assume de plus en plus ses particularités.
On s’invente alors une identité, parfois partagée par le groupe de jeunes que l’on fréquente, on se retrouve autour de sa double culture… de même, la langue s’adapte et se glissent au milieu de phrases mâtinées de vieil argot populaire français des mots issus de nombreux dialectes arabes ou africains...

2 commentaires:

Intishar a dit…

Sarah, peut être que tes séjours au Maroc sont courts, mais ce problème d'identité est là aussi, peut être que les jeunes là bas veulent bien encenser leurs racines, mais ici, souvent on assiste au déni de sa propre culture, on parle français entre marocains, parce que ça fait plus "claaass", sans parler des bureaux, on regarde les télés française, on célebre le nouvel an, mais peu celèbrent le nouvel an hégire( tiens j'ai dû consulter google pour savoir comment ça s'écrit)..
là bas peut être la nostalgie aidant c'est des je t'aime moi non plus, ou je t'aime mais de loin, ici c'est souvent, je te renie..

sarah ben a dit…

en fait, je viens de rentrer au Maroc et je découvre ça...
en france, j'étais déjà tombé de mon nuage, moi la gamine qui hurlait "maroc représente" quand les étudiants venus du maroc (du maroc de lyautey ou des lycées privés majoritairement...) me disaient "pourquoi tu dis que t'es marocaine, t'as la chance d'avoir le passeport 7mar, pourquoi tu te fous la honte, moi si je pouvais je dirais pas d'ou je viens" (véridique)...
et le pire dans tout ça, c'est que certains d'entre eux me plaignaient même en me disant "putain, ma pauvre, t'as vraiment un problème d'identité, mais c'est le lot de tous les zmagri banlieusards comme vous" (avec l'accent dédaigneux please, de "j'ai grandi à hay riad ou bien anfa sup' alors viens pas me faire chier...)
moi, je ne suis pas banlieusarde, alors je bousculais un peu les clichés en plus...
bref, difficile de se situer au milieu de tout ça et en même temps, le Maroc m'a aidée en ceci que maintenant je veux plus me situer parce que c'est ça le problème en fait, plus que parler français ou arabe, c'est de pas assumer de parler l'un ou l'autre...
on peut ne rien connaitre du maroc en y ayant résidé 25 ans, mais il faut le reconnaitre, parce que ce qui me tue, c'est que ces gens là, les mêmes qui m'ont dit "le Maroc n'ira bien que le jour où on en aura sorti tous les Marocains" (wallah, texto il m'a sorti ça!) font sciences po en france pour rentrer diriger ces Marocains qu'au mieux ils méprisent et qu'au pire ils haïssent (peut etre parce qu'ils leurs ressemblent...)

comme ce chanteur soi-disant groupe numéro un de nayda (on va pas le citer...) qui m'explique qu'on doit pas dire le mot "darija" mais "arabe marocain", alors qu'il chante soi-disant en darija!

en tout cas, s'il y a un point positif dans ma découverte du Maroc, c'est que si j'ai du mal psychologiquement, je suis VRAIMENT pas seule... ;o)